Émissions manquantes dans les analyses du cycle de vie des bâtiments

Émissions manquantes dans les analyses du cycle de vie des bâtiments
Une nouvelle étude met en lumière des lacunes sur les mesures et la comptabilisation des émissions de GES

Une nouvelle étude réalisée par l’Institut international de développement durable (IISD) met en lumière de sérieuses lacunes dans la façon dont les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des matériaux et produits de construction sont mesurées et comptabilisées. L’absence de prise en compte de toutes les émissions de carbone risque de saper les efforts déployés aujourd’hui pour lutter contre les changements climatiques et de compromettre les possibilités de réduction des émissions futures.

Le rapport intitulé Émissions manquantes : Lacunes en matière de comptabilisation du carbone dans l’environnement bâti démontre que l’analyse du cycle de vie (ACV) est la bonne approche pour mesurer les émissions de carbone. Toutefois, il est nécessaire d’obtenir davantage de données, de transparence et de mettre en place des normes de pratiques ACV plus robustes, en particulier en ce qui concerne la comptabilisation du carbone biogénique provenant des produits du bois.

Les décideurs et les professionnels de la construction qui cherchent à décarboniser les bâtiments doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils prennent des décisions en faveur d’un matériau de construction plutôt qu’un autre.

PRINCIPAUX CONSTATS

En matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone des bâtiments, les analyses de cycle de vie peuvent mal orienter les décideurs.

Les ACV peuvent être un outil efficace pour réduire les émissions de carbone. Mais sans les précautions appropriées, elles peuvent produire des résultats trompeurs ou erronés, entraînant potentiellement plus d’émissions de GES, plutôt qu’une diminution. Les ACV existantes dans l’environnement bâti produisent des résultats très variables pour des projets similaires pour deux raisons principales: premièrement, il subsiste des lacunes importantes dans les données disponibles; deuxièmement, les hypothèses et les incertitudes susceptibles d’avoir une incidence importante sur les résultats de l’ACV ne sont généralement pas divulguées. Cela peut mener à des conclusions erronées, à des efforts mal dirigés et à des résultats sous-optimaux en matière de GES.

Les ACV ne tiennent pas compte de certaines sources importantes d’émissions de GES provenant des produits du bois.

En règle générale, les études d’ACV ne suivent pas les émissions de carbone ni la séquestration de ce que l’on appelle le «carbone biogénique» issu des phases d’extraction et de fin de vie des produits de construction en bois. Le carbone biogénique fait référence aux émissions de carbone provenant des perturbations de la matière organique vivante, telles que les pertes de carbone dues aux perturbations du sol, de la conversion de forêts primaires anciennes en forêts secondaires moins productives, ainsi que des pertes dues aux efforts de reboisement imparfaits après récolte. Ensemble, ces émissions peuvent représenter jusqu’à 72% des émissions totales du cycle de vie d’un produit en bois, ce qui remet en cause l’hypothèse actuelle selon laquelle les matériaux de construction en bois génèrent moins de carbone que d’autres matériaux de construction, tels que le béton et l’acier.

D’importants facteurs régionaux sont souvent négligés.

Les ACV ont tendance à ne pas tenir compte de la variabilité régionale significative des émissions de GES de différents matériaux. Ces facteurs incluent les variations régionales associées à l’extraction de matières premières, l’intensité des émissions de carbone de la phase de production et les conditions d’élimination en fin de vie. Par exemple, alors que les intensités de production peuvent varier considérablement d’un site à l’autre, les ACV utilisent généralement des données moyennes nationales, continentales ou mondiales.

Les modèles d’ACV existants peuvent fausser la représentation des émissions incorporées.

Les ACV comparant des matériaux de construction peuvent exagérer l’importance des impacts inhérents lorsqu’elles négligent ou ignorent la contribution d’autres émissions significatives du cycle de vie, telles que les émissions au stade de l’exploitation et les impacts sur les émissions de GES des autres systèmes de bâtiments. Utilisés isolément, ces résultats peuvent conduire à des décisions d’une portée trop étroite et détourner l’attention d’un tableau plus complet des possibilités de réduction des émissions de GES dans les bâtiments.

RECOMMANDATIONS

Les analyses du cycle de vie doivent tenir compte de l’ensemble de la situation et s’appuyer sur des normes et des données solides.

Davantage de données, de transparence et de normes robustes de comptabilisation du carbone sont nécessaires, en particulier en ce qui concerne le carbone biogénique provenant de produits du bois. Le gouvernement fédéral devrait investir dans des inventaires ACV régionaux et nationaux actualisés, y compris une comptabilisation exhaustive du carbone dans les ACV de tous les matériaux de construction. Les ACV des produits du bois devraient tenir compte des impacts régionaux du carbone biogénique sur le carbone net séquestré.

L’efficacité énergétique, la longue durée de vie et l’efficacité des matériaux devraient être les priorités de la décarbonisation de l’environnement bâti.

Bien que les émissions de GES intrinsèques aux matériaux soient importantes, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la construction de nouveaux bâtiments à faible consommation d’énergie ou à consommation énergétique nette zéro offrent encore le plus grand potentiel de décarbonisation de l’environnement bâti. Les décideurs devraient s’attacher à promouvoir la durabilité des bâtiments et la résilience et l’amélioration de leur efficacité énergétique. Pour s’attaquer aux émissions de GES intrinsèques dans les bâtiments, les décideurs et les professionnels de la construction doivent privilégier l’efficacité des matériaux et accélérer l’adoption des technologies émergentes de production de matériaux à faible émission de carbone.

À PROPOS DE L’ÉTUDE

Cette étude consistait à examiner les lignes directrices, les méthodologies et la documentation existantes en matière d’ACV; une analyse des principales incertitudes documentées et des principales variabilités prévisibles dans le contexte canadien; et une analyse des impacts potentiels des changements de technologie et de l’environnement bâti et de leur intégration aux objectifs climatiques à long terme.

Pour guider et remettre en question la recherche en cours d’élaboration, l’équipe de recherche de l’IISD a travaillé sous la direction d’un groupe consultatif composé d’universitaires affiliés à des universités, d’organismes environnementaux renommés et d’architectes et concepteurs issus du secteur de la construction durable, y compris le Natural Resources Defense Council, Environmental Defence, CPAWS Wildlands League, Queens University, Université de Toronto, Athena Sustainable Materials Institute, Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), Local Practice Architecture + Design, Buildgreen Solutions, Initiative des oiseaux chanteurs-boréal et l’Association Canadienne du Ciment. L’étude a été commandée par l’Association Canadienne du Ciment (ACC) pour explorer l’utilisation des analyses du cycle de vie (ACV) dans l’environnement bâti – en contribuant de manière importante à l’amélioration de la science et du processus décisionnel. Le financement a été fourni par l’ACC.

Pour obtenir le rapport ou pour en savoir plus sur l’étude : https://www.iisd.org/library/emission-omissions

 

 

2019-08-28T09:40:25-04:009 avril 2019|Architecture, Construction, information|